Aumont-Aubrac / Le
Gibertès
Mardi 4 juillet 2000
Deux heures du matin. Le tonnerre me réveille et les éclairs illuminent la chambre dont j'ai volontairement refusé de fermer les volets. Cela tonne comme l'enfer, un grondement répondant à l'autre. Et quand l'orage se tait, c'est la pluie qui frappe les fenêtres.
07h00. Petit déjeuner avec Le Pèlerin qui aime, lui aussi, se lever tôt. Notre hôte ne manquera pas de prodiguer quelques judicieux conseils à ceux qui marchent vers Saint-Jacques. Ils devront impérativement éviter les zones marécageuses qui suivent le lieu-dit des "quatre chemins". Un coup d'oeil sur mon topo-guide. Ouf ! Je ne suis pas concerné.
Il est à peu près 08h00 lorsque je me mets en
route.
A la sortie d'Aumont-Aubrac, le ton de la journée est
donné: panaché de verts pointés du gris des
"bols" pour la couleur, pluie et soleil en alternance pour la
météo. Le parcours, souvent commun avec le GR 65,
est balisé de lourdes croix de pierre. D'un pré
à l'autre les sonnailles des vaches d'Aubrac se parlent
par-dessus les collines. Les hameaux traversés font penser
à l'Ecosse avec leurs imposantes maisons de pierres grises.
Si, pour une improbable raison, je devais m'arrêter ici, mes
yeux auraient déjà remboursé le voyage.
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La Combe, puis Prinsuéjols, annoncés par trois fines croix de bois qui semblent défier d'énormes rochers perdus au sommet d'une colline qui bordent le chemin. 11h30. Petit Ricard, pour l'eau, rien que pour l'eau ... au "Relais de Prinsuéjols" tout nouvellement rebaptisé (juin 2000). Le clocher de l'église sonne midi lorsque je m'éloigne pour gagner Trémouloux. J'arrive bien vite à l'étang de La Baume. Ensuite c'est le château. Avec ma chance légendaire, je constate que les visites sont interrompues de 12h à 14h. Je repars, non sans avoir fait le tour du château ... extra-muros. En remontant sur le Gibertès, je croise encore un vieux moulin. Dépendance du château ? Sans doute.
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Et il est 14h30 lorsque je découvre mon gîte.
Après avoir gravi l'escalier extérieur, la porte
s'ouvre sur une véritable caverne d'Ali-Baba. J'en ignore
même la trentaine de lits serrés militairement sur
les mezzanines.
Pêle-mêle se trouvent entassés les rêves
de n'importe quel brocanteur. Cela va du chaudron en cuivre
à la selle de cheval en passant par les outils les plus
divers. Tonneaux, cruches, carafes, touries, crucifix, statuettes
de vierge, berceaux pour enfants, pétrins, pressoirs
divers, sabots, balances, rouets, horloges, sièges,
bougeoirs, paniers, soupières, assiettes, lampes à
pétrole, moules à beurre, barattes, tables ... Ne
serait-ce l'absence d'un raton-laveur, Prévert serait
enfoncé par un tel inventaire.
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20h00. Je crève de faim et le souper s'annonce. Mais les
talents culinaires de madame Ressouche, pourtant chantés
dans son livre d'or, ont dû prendre congé. Salade
composée. Mais partition sans sel ... Suit une "estoufade",
que mes papilles traduisent aussitôt par "carbonnades
flamandes", sans pruneaux, mais avec des herbes (de Provence ?) et
le sel qu'il manquait à la salade. Des pâtes à
la crème achèvent de se refroidir en formant une
purée. Les fromages sortent du frigo où ils ont
laissé leur parfum. En guise de dessert: une nectarine que
je mange et deux bananes, sourires noirs qui restent dans
l'assiette.
Heureusement, la gentillesse de madame Ressouche fait oublier tout
ça quand je l'écoute raconter son Aubrac tout au
long du repas.
Comme j'ai l'intention de partir tôt, mon hôtesse me préparera un thermos de café, montera aussi les confitures, le miel et le pain de la veille avant que je n'aille dormir.
Impression étrange que d'être seul dans un gîte pouvant accueillir une trentaine de personnes. Enfin, je ne suis pas vraiment seul. Outre les trésors de la caverne d'Ali-Baba, une multitude d'insectes et d'araignées lorgnent sur ma couverture. Mais je ne partage pas.
Bonne nuit. Mais fraîche et humide.
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